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Agriculture : une dépression qui ne date pas d'hier

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REGARD FINANCIER SUR LE MONDE
5 min
07/03/2024
Agriculture : une dépression qui ne date pas d'hier

La crise agricole que la France ainsi qu'une bonne partie de l'Europe traversent, est symptomatique d'une crise encore plus profonde, encore plus lourde. Il s'agit d'une crise de modèle économique, de société, de vie.

Depuis des dizaines, voire des centaines d'années, plusieurs visions ont présidé : celle de la nature comme ressource inépuisable, toujours plus et mieux exploitée, au sens propre du terme. Ne parle-t-on pas d'exploitant agricole ou forestier ?

Et celle de la croissance infinie, comme une course à l'échalote : toujours plus de croissance pour... qu'il y ait de la croissance (et des profits).

Ces deux injonctions ont conduit le monde agricole, voire le monde tout court, dans une impasse. Il est urgent de laisser souffler la nature et d'appuyer sur le bouton pause.

Sauf que le monde dans lequel on vit, de surconsommation, de mondialisation, implique une logique inverse. Si un agriculteur est contraint à mettre en pause certaines de ses activités, à réduire ses coupes, à limiter ses cheptels pour atténuer la production d'azote, à laisser des terres en jachère, à abandonner des produits phytosanitaires, à réduire sa consommation d'eau... il s'insurgera car il vit déjà mal de son travail et souhaite produire plus pour vivre décemment. Sur le papier, les ménages agricoles sont moins touchés par la pauvreté (6,1% des agriculteurs exploitants sont en situation de pauvreté en 2019, contre 11,7% des Français) mais cette réalité apparaît en trompe-l'œil. En moyenne, seulement 34% des revenus disponibles des ménages agricoles proviennent de revenus directement tirés de l'agriculture. Ainsi, s'ils sont moins touchés par la pauvreté, cela n'est pas dû à la prospérité de leur activité agricole mais plutôt au soutien financier qu'ils perçoivent de leur conjoint ou des revenus annexes à l'exploitation agricole

La source du malaise ? Le Green Deal passe mal parce qu'il sonne la transition (pour certains le glas) de l'agriculture intensive. La demande sans cesse croissante en produits alimentaires, les incitations à produire toujours davantage pour répondre à cette demande, l'organisation et la systématisation de cette demande, pour tout ce que nous consommons : l'alimentaire, toujours plus, toujours moins cher. Les vêtements et la fast fashion. Les organismes financiers qui poussent les producteurs à l'endettement. Le réhaussement des normes qui contraint les stratégie d'investissement des exploitations. L'hétérogénéité croissante des revenus entre d'un côté, les exploitants porcins, les céréaliers de grande culture, et de l'autre, les éleveurs de chèvres, de bovins ou de moutons ou les maraichers. La richesse des agriculteurs franciliens est bien éloignée de celle des agriculteurs d'Occitanie, d'où est parti le mouvement. C'est le grand écart.

L'alimentaire est passé de 30% des dépenses de consommation d'un ménage en 1960 à 15% aujourd'hui. Au bénéfice des loisirs et du logement. Dans cette société d'hyperconsommation, les priorités ont changé. Et comme certaines dépenses sont devenues incompressibles, au moins en perception (ex: le smartphone), les budgets se tendent.

On a alors coutume d'opposer fin du monde et fin du mois. Comme deux finalités antagonistes. Ce qu'elles sont a priori. Mais pas si la société se transforme, changer ses priorités, retrouve du bon sens (commun). Les terres cultivées en bio ont augmenté de 500% en vingt ans.

Retrouver le sens du long terme, ce n'est pas abandonner le court terme, c'est l'inscrire dans une logique et une progression concertée.

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