Les résultats décevants de l’économie chinoise peuvent-ils conduire à une crise mondiale ?
Dans les années 2000 et 2010, la Chine enregistrait une croissance de + 10% par an. Elle est aujourd’hui divisée de moitié. Le 17 janvier, le Bureau national des statistiques annonçait un taux de croissance de + 5.2%. Cette performance qui peut apparaître bien supérieure aux indicateurs macroéconomiques des marchés occidentaux, traduit en réalité une économie atone.
Considérant les rebonds post-COVID des marchés japonais, américains ou européens, la reprise chinoise est décevante. Elle s’explique par plusieurs facteurs.
Tout d’abord, la perte de confiance des consommateurs chinois eux-mêmes qui s’exprime par la faiblesse de la consommation et les retards pris par les entreprises chinoises en matière d’investissement productif.
L'écroulement du marché immobilier au sortir de la pandémie a très fortement impacté la croissance économique interne, largement tirée par le Real Estate. Symbole de ce retournement : la liquidation judiciaire du géant Evergrande dont les retombées n’ont pas encore toutes été digérées par les marchés. La phase d’ajustement de ce secteur économique stratégique est donc encore en cours.
La correction du marché immobilier et la baisse de la demande sont plus globalement corrélées à l’évolution inquiétante de la démographie chinoise. Par son caractère récessif et déflationniste, plusieurs observateurs voient dans la démographie chinoise l’un des principaux handicaps structurels de l’économie mondiale. Le nouveau Japon ?
Par ailleurs, au lendemain de la COVID, les autorités chinoises se sont distinguées par une tendance forte à la régulation des marchés. Cette ambition a fortement affecté le système financier chinois ainsi que le secteur de la Tech. Pékin a ostensiblement voulu mettre un frein à l’expansion mondial de groupes comme Tencent, Alibaba ou Baidu, dont l’hybris des PDG a été publiquement dénoncée. Or, ces entreprises étaient les fers de lance d’un écosystème innovant et prometteur, particulièrement attrayant pour les investisseurs étrangers. Ce coup d’arrêt brutal a donc limité à moyen terme l’exposition de l’économie chinoise aux flux de liquidités internationaux.
Enfin, la rivalité commerciale et géopolitique entre la Chine et les Etats-Unis altère de manière croissante l’économie des deux premières puissances économiques mondiales. Entre janvier et août 2023, les investissements chinois dans les fusions/acquisitions aux États-Unis atteignent seulement 221 millions de dollars, soit le volume d’investissement le plus faible depuis 2006. Sur la même période en 2022, le total s’élevait à 3,4 milliards de dollars (source : Dealogic). Inversement, les Etats-Unis mettent progressivement en place une forme de blocus technologique initié sous l’ère Trump et poursuivi sous Biden. De fait, en 2022, les investissements directs américains en Chine ont atteint un plus bas depuis vingt ans, à 8,2 milliards de dollars (source : Rhodium Group). Aussi, le désinvestissement massif des entreprises américaines dans l’économie chinoise aggrave la pression à la baisse sur le Yuan.
Conscients des conséquences réciproquement néfastes de cette situation, Washington et Pékin tentent de tenir une ligne de crête, entre fermeté et relance de la coopération. Le 15 novembre 2023, la croissance économique mondiale a été l’objet central des discussions entre Xi Jinping et Joe Biden. Cette rencontre est le fruit d’efforts diplomatiques déployés par le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken. Cette tentative de réchauffement des relations sino-américaines doit parallèlement composer avec l’opposition sur l’avenir de Taïwan et les tours de vis successifs visant les investissements américains en Chine sur certains secteurs jugés stratégiques (Tech, Défense, etc.).
Jusqu’ici peu réactives face à la dégradation de l’activité économique, les autorités chinoises risquent de se placer dans une situation difficile. Le postulat philosophique qui conduit les autorités à s’interdire toute relance par la consommation pointe sévèrement ses limites. Traditionnellement, l’intervention de l’Etat se traduit par des plans de relance généralement centrés sur les infrastructures. Toutefois, début février 2024, le gouvernement chinois annonce un infléchissement de la stratégie adoptée jusqu’alors en envisageant de prendre des mesures à hauteur de 278 milliards de dollars pour soutenir leurs marchés financiers. Ce plan impliquerait un fonds de stabilisation qui achèterait des actions via la place de Hongkong. Cette nouvelle est doublée d’une promesse de soutien aux marchés domestiques par l’injection d’argent frais via le fonds étatique Huijin Investment.
Chez ActiveSeed, nous surveillons de près la Chine qui représente par exemple environ 1/4 de l'indice MSCI Emerging Markets Index - et plus de 40% lorsqu'on inclut Taiwan. Dans ce contexte, il s’agit également de se défier d’une approche court terme. Les infrastructures chinoises se modernisent rapidement.