Comment sommes-nous tous devenus si étroitement dépendants de nos banques ? L’histoire est longue et bien connue. De la collecte de pièces aux dépôts de monnaie. Des relations interpersonnelles à l’établissement de crédit régi par des circuits impersonnels et systématisés1. De la banque traditionnelle à la banque d’affaires de l’ère industrielle2… pour aboutir finalement à l’institution omnisciente distributrice de services financiers globaux et intégrés dont nous sommes contemporains. Le glissement qui s’est opéré en deux siècles peut donner le vertige.
Des services financiers devenus nécessité sociale
L’accès aux services financiers est aujourd’hui incontournable pour mener une vie sociale réputée « normale ». Depuis les années 1980, nos sociétés sont travaillées par des mouvements convergents de financiarisation des rapports sociaux. La financiarisation reflète « un ensemble de contraintes à l’emploi des moyens de paiement et de règlement et au recours au crédit et à la protection contre les risques, contraintes qui agissent de façon différente, directe ou indirecte, individuellement sur les personnes et les entreprises, et collectivement sur les groupes sociaux »3.
Deux facteurs ont accéléré ce processus :
- La monétarisation des relations sociales
- La bancarisation massive de la population
« Cette évolution donne un rôle social prépondérant aux services bancaires.4» Elle nourrit une dépendance et un sentiment d’anxiété prégnant chez les utilisateurs de ces services : la peur de ne pas être « dans les clous », de ne pouvoir assumer ses engagements, d’être dépassé par l’offre dont on est l’attributaire.
Exclusion
La hantise de l’exclusion bancaire est le produit de cette évolution, d’autant que cette exclusion est souvent plus implicite et diffuse qu’elle ne semble l’être. Dans le sillage de l’après-guerre, le secteur financier s’est effectivement massifié. Néanmoins, si à peu près tout le monde est aujourd’hui concerné par des problématiques bancaires, assurantiels ou d’épargne, les services financiers ne sont pas d’un même accès ou d’une égale qualité.
Massification ≠ Démocratisation
En réalité, tout le monde ne bénéficie pas de prestations ajustées à des besoins spécifiques. Ainsi, une part importante de la clientèle, intégrée à une pluralité de services financiers en apparence dédiés, doit composer avec un banquier, un conseiller ou un assureur, dans le cadre d’une relation qui n’a pas été pensée pour elle ou avec elle. Ce sont les très nombreux « exclus de l’intérieur »5.
Dépendance = Inversement de la chaîne de valeur
De plus, la financiarisation a approfondi des liens de dépendance qui ont effacé l’originalité de l’individu et du projet pourtant situés à l’origine de la demande de services. L’analyse de la relation de crédit illustre cette tension. Le préteur veut éviter les emprunteurs les plus risqués ( « sélection adverse »6) et limiter « l’asymétrie d’informations »7 . Il s’agira dès lors pour lui de sélectionner et de contrôler les emprunteurs dont on préjuge du comportement opportuniste (rétention d’informations) : impossible de faire confiance aux informations apportées par le client lorsqu’elles ne sont pas objectivement vérifiables. L’évaluation de son projet par le client n’a pas de valeur. Pour le banquier, la réduction de l’incertitude ne réserve aucune place pour les interactions et le jugement. La réduction de l’incertitude pour l’emprunteur reste quant à elle ignorée dans les modèles économiques classiques. Le crédit est considéré comme un produit parfaitement connu, ne faisant l’objet d’aucune opacité puisque l’incertitude provient uniquement de l’emprunteur. Dès lors, le recours au service financier ne sera jamais abordé dans le contexte d’une situation singulière qui réintroduit la notion de jugement dans la relation entre le client et l’institution8.
Retrouver l’indépendance
Le digital représente une réelle opportunité pour renouveler l’accès, la transparence et la qualité des services financiers, désintermédier le marché, et finalement imposer des relations symétriques de confiance dans la chaîne de valeur.
La promesse des Fintechs spécialisées dans l’épargne consiste à délivrer des outils permettant aux clients de construire leur projet d’investissement en fonction d’un profil, d’exigences et de besoins spécifiques.
L’enjeu ne consiste pas à remplacer les institutions financières mais à restaurer pour l’individu une liberté d’action qui lui permette de formuler des choix. Il s’agit donc moins de concurrencer les établissements installés que d’offrir des complémentarités au bénéfice du client dans le cadre de solutions collaboratives. En clair, pour profiter de l’offre ActiveSeed, il ne vous sera pas demandé de renoncer à sa banque ou d’avouer ses collusions avec le Grand Capital façon Procès de Moscou.
Les Fintechs indépendantes du conseil en investissement financier (CIF), sont donc en capacité de construire des portefeuilles d’investissement dynamiques, ajustées aux ambitions du client et optimaux en termes de performance. Suivant des critères objectifs, ActiveSeed sélectionne les supports d’investissement les plus intéressants : on sort des conflits d’intérêt et on évite les pertes de rendement liés à l’utilisation de « produits maison » dont la performance et la qualité varient.
Pour des solutions existentielles et écologiques
Le chercheur allemand Christian Arnsperger9 a développé l’idée d’une économie existentielle et écologique. Selon lui, en dessous de nos comportements en apparence « rationnels » d’achat, de vente, d’arbitrage, de consommation, d’investissement, d’épargne, évolue tout un univers parallèle de sens, de significations et de pulsions non reconnues des agents économiques eux-mêmes. Cette palette d’instincts, de besoins, de désirs, transcendent nos existences et sont tous reliés à une angoisse existentielle : la finitude de nos vies et de la biosphère.
Il invite à repenser la rationalité économique classique et la notion de croissance à l’aune de ce spectre : dès lors, ces deux logiques ne sont plus que des mécanismes de défense et d’évitement contre cette angoisse. Loin d’une entité calculatrice aveugle, l’homme devient ce « chercheur existentiel » qui s’ignore. L’économie est ce mécanisme qui organise le transit de la matière et recompose celle-ci en produisant des déchets après avoir consommé des ressources dont beaucoup ne sont pas renouvelables.
Au total, il s’agira bien de ré-encastrer la logique économique dans le tissus social et son environnement10.
Par conséquent, il doit se produire un changement de mentalités qui peut donner lieu, du point de vue du financier comme de l’épargnant, à une dissonance cognitive majeure et déstabilisante. La transition écologique nécessite en effet de multiples changements de mentalités et de pratiques, qui paraissent rationnels au niveau global mais irrationnels au niveau de l’individu11 . L’expérience des Gilets Jaunes a prouvé que la seule contrainte verticale, fidèle à la pensée économique classique et néo-classique de la démocratie (conception technocratique, où le décideur est doté de capacités réflexives et critiques que l’agent de base ne détient pas) ne fonctionne pas.
Tout l’intérêt de l’économie existentielle et écologique va être de trouver des solutions pour relier l’intérêt de l’individu à l’intérêt des écosystèmes.
À notre niveau chez ActiveSeed, nous cultivons une approche de l’épargne, une méthode d’investissement et une conception de la relation client, qui font avancer une rationalité alternative :
- Soutenir l’engagement de long terme plutôt que des pratiques financières opportunistes
- Promouvoir la qualité de la performance plutôt que sa quantification à un instant T
- Faire adhérer l’épargnant à des critères extra financiers, liés en particulier à la sauvegarde de la biosphère
- Refuser de valoriser des entités / secteurs ne répondant pas à certaines exigences éthiques ou environnementales
D’une certaine façon, la composition des portefeuilles d’investissement ActiveSeed, se veut une « représentation en miniature », une réplique microcosmique, du genre d’économie que nos épargnants veulent voir advenir à l’échelle réelle. L’épargnant reconnaît que le placement qu’il construit avec ActiveSeed, affecte le genre d’être humain qu’il sera.
- Hautcœur Pierre-Cyrille, « Les transformations du crédit en France au XIXe siècle », Romantisme, 2011/1 (n°151), p. 23–38.
- Ronzon-Bélot Chantal, « Banquiers de la Belle Époque. Les dirigeants des grands établissements de crédit en France », Actes de la recherche en sciences sociales, 2003/1–2 (n° 146–147), p. 8–20.
- SERVET J.-M., (2004a), Lutte contre les inégalités versus lutte contre la pauvreté, un nouveau défi pour la microfinance, Conférence à la Caisse des dépôts et consignations, Paris.
- Gloukoviezoff Georges, « De la bancarisation de masse à l’exclusion bancaire puis sociale », Revue française des affaires sociales, p. 9–38, 2004
- G.Gloukoviezoff reprenant l’expression de Pierre Bourdieu et Patrick Champagne in BOURDIEU P., CHAMPAGNE P., (1993), « Les exclus de l’intérieur », in Bourdieu P., La misère du monde, Paris : Éditions du Seuil, p. 913–921.
- G. Akerlof, « The market for lemons : Quality uncertainty and price mechanism », Quaterly Journal of Economics, vol. 84, 1970, p. 488–500.
- Kenneth Arrow, « Uncertainty and the welfare economics of medical care », American Economic Review, vol. 53, n° 5, 1963, p. 941–973
- L. Karpik, « L’économie de la qualité », Revue française de sociologie, vol. 30, n° 2, 1989, p. 187–210.
- Arnsperger Christian, « Fonder l’économie écologique. Crise environnementale, crise économique et crise anthropologique », Revue d’éthique et de théologie morale, 2013/HS (n° 276), p. 93–120.
- Karl Polanyi, The Great Transformation : The Political and Economic Origins of Our Time, New York, Beacon Press, 1944
- Sébastien Bohler, Le Bug humain. Pourquoi notre cerveau nous pousse à détruire la planète et comment l’en empêcher ?, Robert Laffont, 2019